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Encore une fois
Dean Inkster

Le romantisme est notre naïveté. Cela ne veut pas dire qu'il soit notre erreur... on ne congédie pas une naïveté.
Philippe Lacoue-Labarthe, Jean-Luc Nancy, L'absolu littéraire


Il n'est d'expérience du visible qui ne soit aussitôt confrontation avec la fragmentation et l'opacité du langage, qui puisse exister à l'extérieur du langage dans le purement visuel. Il n'est donc d'expérience de la vision qui ne soit du même coup ruine de la vision et de l'expérience elle-même - toute expérience étant expérience de la ruine. C'est là, sans nul doute, le sens allégorique de l'œuvre de Fabrice Reymond, Nescafé - Cinéma Générique, mais c'est aussi, plus généralement, celui du générique de cinéma.

Commencer par là n'est pas seulement s'enquérir des fins du cinéma comme média ou forme artistique (en tant qu'il constitue un genre), c'est surtout suggérer que repenser le cinéma signifie chaque fois commencer à nouveau - en commençant au commencement. Ainsi, le générique sous-entend-il que ce commencement est aussi déjà une fin, voire la " FIN ", la fin du cinéma, sa mise en question depuis la perspective de sa disparition, de ses ruines que les possibilités actuelles des techniques numériques et du montage hypertexte, justement libérés de toute astreinte à commencement et fin, semblent bien annoncer.
Ce qui revient à dire que le générique de fin au cinéma arrive dans le domaine de la mort en annonçant la finitude de toute expérience. Ceci, non seulement parce qu'en tant qu'expérience de l'illusion (ou illusion de l'expérience) le cinéma nous rappelle - de par son dispositif même - qu'il ne peut y avoir d'expérience que de la projection, de répétitions spectrales et de la nuit dans laquelle l'expérience se retire en sa propre présence ; mais aussi parce que, comme le suggère Benjamin dans son essai sur l'œuvre d'art, si la vision d'une réalité dans le plus simple appareil se traduit, au pays de la technique, par le fleur bleue, les noms figurant au générique de fin peuvent être pris comme autant d'inscriptions sur les pierres tombales de ceux qui en ont labouré la terre. C'est ce qui est apparu avec d'autant plus de force à l'avènement des génériques modernes.
Accompagnée de la répétition du thème musical, une transition entre la fin du récit et la fin du spectacle cinématographique allait, en effet, remplacer la traditionnelle ponctuation de clôture du cinéma classique et l'abrupte apparition du mot " FIN ". Une transformation radicale allait ainsi s'opérer dans la façon dont le spectateur serait amené à quitter le spectacle, transformation que l'on peut, au demeurant, interpréter comme le moyen d'intégrer, au sein même du spectacle, son propre deuil - une conséquence parmi d'autres de la volonté d'intégration d'une culture de masse soucieuse de maîtriser et réifier tous les aspects de l'activité humaine. Mais, c'est aussi nous rappeler que le deuil - ou la conscience de la finitude, est précisément ce que le spectacle se doit de circonscrire comme constituant son " autre ", l'obstacle essentiel à son élan d'intégration et de totalisation.

Récemment, Slavoj Zizek (suivant en cela Janet H. Murray et son Hamlet on the Holodeck) a expliqué comment l'absence de clôture dans les médias électroniques et numériques revenait à refouler la confrontation avec le trauma de la finitude ; à ignorer le fait que " notre histoire doit se terminer à un moment ou à un autre "(1). Il est vrai que dans la forme hypertexte des médias numériques, des jeux vidéo et fictions en rhizomes, on ne trouve jamais de point culminant ou de clôture irréversible " dans la mesure où il y a toujours d'autres chemins à explorer et des réalités alternatives dans lesquelles se réfugier ". La forme potentiellement hypertexte des médias numériques est ainsi, au niveau de son contenu, envisageable comme un refoulement de la " Réalité" de la finitude humaine ; refoulement par lequel le participant actif immergé dans le symbolique, désavoue le trauma de sa mortalité.
Avec l'avènement du cinéma hypertexte, ceci devrait conduire à la disparition du générique : une fois écartés le début et la fin, l'acceptation de la finitude de l'expérience et le " défilé " des spectres du travail consacré à la production du spectacle cinématographique sont censés disparaître. Il est alors intéressant de voir comment le projet Nescafé de Fabrice Reymond, qui fait ouvertement référence aux médias électroniques et à l'hypertextualité, requalifie un générique de fin qui devait normalement passer à l'as. Et non content de le faire réapparaître, il le fait d'autant plus manifestement - quoiqu'allégoriquement - qu'il est l'élément incontournable de l'expérience visuelle du projet. Il l'extrait ainsi des marges dans lesquelles il était censé rester, le ramenant à l'intérieur du cadre que constitue le (récit du) film. Il se pourrait bien, cependant, que ce hors-champ n'ait jamais été une entité stable, que la frontière entre intérieur et extérieur, entre aspect extra-diégetique du générique et la diégèse à proprement parler ne soit jamais clairement définie ; Thierry Kuntzel a fait l'analyse d'une telle instabilité.

Dans son essai intitulé " Le travail du film, 2 ", à travers une analyse minutieuse du film The Most Dangerous Game, il a montré combien le rôle du générique d'ouverture est, en l'occurrence, décisif pour la compréhension du récit. Car, si l'image qui sert d'arrière-plan au générique (où l'on voit une main s'avancer pour ouvrir une porte) renvoie subjectivement au fait d'entrer dans le spectacle du film, les trois coups qui la précèdent en anticipent, quant à eux, bon nombre d'événements formels et signifiants - y compris, d'ailleurs, une mise en scène condensée de la répétition narrative en tant que telle. Mais il va plus loin lorsqu'il déclare que la fonction du récit au cinéma n'est jamais que d'entériner le générique d'ouverture :

Les trois coups - répétés muettement en marge - sont là pour signaler que la représentation va commencer, que quelque chose va se donner à voir sur la scène de l'écran. Or, dans le mouvement du film, ce qui se donne à voir n'est jamais que la répétition de ce que j'ai déjà vu lorsqu'il m'était signalé que ça allait commencer.(2)

Tel qu'il est amené à le conclure, la " boucle " formelle, l'ellipse par laquelle on retrouve l'image de la porte close en arrière-plan du mot " FIN ", sous-entend que le propre du récit filmé est en soi " un vide ", la création d'un vide, enfin que la seule réponse possible à la question " Qu'est-ce que je suis venu voir ? " est, de fait : " je suis venu voir ". Qu'on se rappelle alors la remarque de Max Weber : " Qui se languit de voir devrait aller au cinéma ".

Parallèlement à cette ellipse sous-jacente au cinéma narratif classique selon Kuntzel, on retrouve la fin sans fin inhérente à la fiction narrative chez Blanchot. Pour ce dernier, la fiction, en tant qu'elle est en vue d'une fin, soumet nécessairement le sens à un cercle infini où la fin a déjà eu lieu sans avoir lieu et reste infiniment différée, la limite (la fin) ne donnant jamais lieu qu'à sa propre absence de limite. Dans ce cas, ne peut-on pas interpréter le cinéma narratif comme le site historique de l'infini différé de la disparition du récit ?
Evidemment, les séquences génériques de Nescafé, ne sont pas à proprement parler des génériques ; on n'y trouve pas les listes de noms propres (des producteurs, acteurs, techniciens, etc.) qui témoignent de la production d'un film. Mais en se réappropriant les caractéristiques formelles du générique de cinéma (texte généralement blanc défilant à la verticale sur fond noir), elles conservent néanmoins avec lui un rapport allégorique (l'allégorie considérée comme représentation de la non-coïncidence entre signifié et signifiant, entre contenu et forme). La référence à Maurice Blanchot n'aura donc pas été fortuite. En effet, si le " genre " allégorique utilisé ici est celui du fragment textuel ou littéraire, la juxtaposition et l'interruption qui caractérisent ce dernier visent, de la même façon que l'allégorie, ce que Blanchot a défini comme l'impératif éthique de la textualité : la reconnaissance de l'" irréductible différence ", de la non-fermeture dans l'événement ou avènement du sens.
Non seulement le fragment défie l'ordre narratif, mais il est engagement à la fois dans la fin et dans " la fin sans fin " à laquelle la fiction et, par conséquent, le cinéma narratifs se devaient de rester aveugles. Il en devient " un arrangement qui ne compose pas, mais juxtapose, c'est-à-dire laisse en dehors les uns des autres les termes qui viennent en relation, respectant et préservant cette extériorité et cette distance comme le principe (...) de toute signification "(3). Ou encore, pour citer cette fois l'un des fragments de Nescafé du 12/11/99 12:15 : " ne pas construire JUXTAPOSER ET, (virgule) ainsi a déjà commencé et n'est pas encore fini. No past, no future et la vie continue ? " La signification, en opposition à la notion totalisante de vérité comme clôture, serait donc " inquiétude d'un mouvement sans début ni fin ", ce que les romantiques allemands Novalis et Schlegel (auxquels Blanchot doit son analyse) ont décrit comme " une inscription en perpétuel devenir, toujours inaccomplie ".


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C'est en revenant à ce qui était en jeu chez ces deux auteurs que l'on commence à saisir l'importance aujourd'hui d'un projet comme Nescafé(4). Leurs écrits, particulièrement ceux publiés dans la revue Athenaeum entre 1798 et 1800, firent leur apparition en réponse à la crise sociale et culturelle ressentie en Europe à la fin du 18ème siècle - perte du sensus communis, désenchantement du monde, ou ce que Nietzsche allait plus tard appeler nihilisme. Devant son échec à aller jusqu'au bout de son désir révolutionnaire du Grand Roman et de l'encyclopédie du monde moderne, le romantisme allemand a le plus souvent été interprété comme un absolutisme esthétique manqué, une plainte mélancolique devant l'impossibilité de la réconciliation entre l'art et la vie. On l'imagine ainsi avoir laissé derrière lui une myriade d'œuvres inachevées, de programmes et de projets.
Pourtant, le choix du fragment littéraire dans les écrits des romantiques d'Iena démontre un refus conscient du désir d'imposer tout programme. Ils se sont, bien au contraire, gardés de remettre en scène le passé, comme ils ont évité d'imposer le Nouveau depuis une perspective qui aurait manqué de rapport critique ou dialectique avec ce qu'elle entendait dépasser. La fragmentation étant reconnue comme caractéristique de l'époque romantique moderne (division du savoir, disparition de critères esthétiques objectifs, subjectivisation et privatisation de l'expérience esthétique), le fragment fut délibérément utilisé comme figure de la crise. " L'absence de caractère est la seule caractéristique de la poésie, la confusion est ce que sa masse a de commun, le désordre est la conséquence de sa théorie "(Schlegel).
S'abstenant donc de tout rappel à l'ordre, de toute accusation envers leurs contemporains, les auteurs d'Iena soutenaient qu'une véritable " anarchie... couvrant le champ entier du goût et de l'art " devait voir le jour, qui entretiendrait un fonctionnement critique à travers la négativité perceptible du présent. Aussi, les fragments romantiques prennent-ils leurs distances par rapport aux anecdotes et maximes de la tradition moraliste. Ce qui est visé c'est la liberté du sens, mais une liberté qui ne fait pas disparaître les tensions inhérentes au fragment. Si celui-ci n'est jamais isolé, il n'abandonne pas non plus sa singularité au sein des agrégats qui lui font prendre son sens. Et si sa volonté est d'être une " réalisation immédiate ", comme le dit Schlegel, ou une réponse (conformément à l'étymologie du mot crise), elle n'en conduit pas pour autant à l'homogénéité ou la continuité d'un programme, d'une prescription. Il s'agit bien plutôt d'une projection " immédiate " : d'un pro-jet. Ce qui ne peut être réalisé dans le présent sans risquer de succomber à une trompeuse alternative idéologique, est alors pro-jeté comme le germe d'une solution future. Les fragments d'Iena peuvent ainsi être lus comme autant d'allégories de l'anticipation et de la promesse. Le projet en lui-même reste fragmentaire ou, comme le suggère Schlegel encore, projet de " fragments futurs ", qui ne sont donc pas même fragments mais fragments de fragments qu'il faut encore écrire ; " embryons subjectifs d'un objet futur "(5), obligations sur un projet infini, œuvre à venir.
Y compris dans le langage figuratif de la graine et de la germination, le fragment comme anticipation ou promesse doit préserver en lui le négatif, de sorte qu'il interdise un projet de résolution de l'histoire qui se voudrait d'avance réussi. C'est, en tout cas, ce que montre l'épigramme du recueil de Novalis intitulé Grains de Pollen : " Amis, le sol est pauvre, il faut semer généreusement / les graines pour produire ne serait-ce qu'une modeste récolte ".


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Outre une mention explicite de Novalis, on retrouve cette " pauvreté du sol " ailleurs dans Nescafé, en une allusion d'autant plus ingénieuse qu'elle se borne cette fois à la signification du nom de l'auteur auquel elle renvoie. Le fragment du 14/10/00 23:22:30 " Pourquoi j'ai choisi la poésie " continue ainsi : " terrain laissé à l'abandon où les formes s'altèrent. Tout devient plus malléable. Dé-formatage de la discipline. Création de nouveaux territoires. La poésie est l'action de penser ". Autrement dit, la traduction littérale de novalis qui est précisément le terme latin pour " ce qui est en jachère " (en quoi l'épigramme de Grains de Pollen se révèle aussi éponyme). Il faut donc lire la réponse à la question de l'inspiration poétique comme étant mot pour mots : " Novalis ". Mais il se pourrait bien que l'évocation de ce nom par l'intermédiaire de la " pauvreté du sol " ne renvoie en définitive, par un retournement dialectique, qu'à la pauvreté qu'implique le titre même du projet Nescafé (ce que nous laisse penser la deuxième mention de l'auteur allemand : le 31/10/00 12:32:20 " Le fragment : Novalis, Nescafé ").
Car, que font justement les grains du café instantané sinon provoquer l'illusion d'une synthèse immédiate entre désir subjectif (boire son café) et réalité objective (devoir le faire), ce par dilution et évaporation des substances initiales de l'un et l'autre ? Que font-ils, dans ce cas, sinon réaliser l'illusion même que les romantiques ont tant cherché à éviter lorsqu'ils voulaient au contraire préserver tension et perpétuel devenir par l'écriture de fragments ?

Pour peu qu'on ramène tout cela au cinéma, on se rappelle l'admiration ironique de Stanley Kubrick pour la façon dont les spots publicitaires de Nescafé(r) étaient à même de raconter une histoire en un rien de temps. En d'autres termes, pour la façon dont la synthèse instantanée du récit était capable de refléter ou de mimer les principes idéologiques de la marchandise dont elle faisait la promotion. On l'aura compris, c'était pour Kubrick une manière de référence négative à son propre désir de parvenir à une résolution authentique du cinéma narratif. Mais, d'un autre point de vue, cette ironie s'annule de son propre mouvement en ce qu'elle trahit aussi quelque chose de son œuvre.
Quelque temps qu'ait pris cette résolution dans son œuvre cinématographique, on en retrouve l'objet chez Adorno, dans sa correspondance avec Benjamin, à propos d'inauthenticité et d'absence totale de liberté dans la culture contemporaine(6). Pour Adorno, la liberté est comprise comme un tout divisé dont les deux moitiés seraient, dans leur irréductible différence, culture de masse d'une part et art autonome d'autre part. Et si chacune porte les stigmates du capitalisme comme les germes du changement, leur juste milieu est en revanche, selon Adorno toujours, dépourvu de l'un et de l'autre. La liberté ne serait donc pas restaurée par la simple combinaison des deux. Or, les exemples qu'il donne pour illustrer ces deux moitiés (Schönberg et le cinéma américain) sont, à peu de choses près, ceux que l'on trouve combinés dans le cinéma de Kubrick. Ainsi, l'apogée de la liberté individuelle à l'ère de l'humanisme bourgeois dont parle Adorno à propos de Beethoven, est-elle impossible à retrouver parmi les décombres de sa future anti-utopie mise en scène dans Orange Mécanique. Et l'espoir que le théoricien de Frankfort avait mis, à propos de composition moderniste cette fois, dans " la persistance du message de désespoir des naufragés ", se révèle tout aussi vain devant l'expression de l'aliénation décrite dans The Shining.

Les fragments de Nescafé peuvent être comparés à des grains de café instantané (par leur évocation de la synthèse narrative, de la synthèse du contenu et de la forme, du sujet et de l'objet, etc.), mais, à l'instar des fragments romantiques, ils évitent leur dilution en quelque synthèse finale. Comme l'auteur lui-même le souligne, avant dilution de ses contenu et forme, l'art existe en concentré ou en contraction - Benjamin appelle ça un " centre d'énergie " : " 07/03/00 18:49... Date limite de consommation d'une œuvre : dans un mois le code source de cette œuvre s'ouvrira, il faut l'acheter ou la voir avant le début de sa dilution ". Ces fragments projettent la liberté ou l'autonomie de la pensée sous la forme de l'anticipation : anticipation d'une époque à venir où les moyens techniques pourront se défaire de l'idéologie qui aujourd'hui les instrumentalise au nom du Progrès (à travers, par exemple, la promotion du choix subjectif et de la liberté en acte, acceptés sans la moindre critique au nom de l'interactivité, de l'hypertextualité ou autres).
Leur pertinence est d'être, pour reprendre Schlegel, les substituts d'un " bonheur impossible " - que l'on trouve souvent évoqué dans les images de Nescafé et la musique qui les accompagne. Ainsi, en tant que tels, ils évitent la prétention à restaurer cette liberté par la revendication !d'une conscience susceptible de coïncider avec elle-même pour surmonter ses propres contradictions. Le rôle de l'art, comme dit Godard, qui cite Denis de Rougemont, n'est pas tant de faire la critique des outils quand on veut qu'ils soient utilisables, mais de montrer " la faiblesse de nos mains ". C'est-à-dire qu'il ne saurait y avoir de compréhension de la technique qui ne soit, du même coup, appréhension de la finitude humaine.

Une fois encore - Fabrice Reymond le montre habilement - toute projection d'un bonheur impossible entraîne immanquablement une projection de finitude. Et les fragments de Nescafé, comme les génériques de fin auxquels ils renvoient, ne sont donc rien d'autre que fragments de finitude. Ecrits dans la mort de l'instant (leurs dates en témoignent), ils marquent l'instant de la mort comme une fin sans fin et ainsi une impossibilité de mourir. La mort n'y a pas le caractère contingent d'un fait brut - tel le " FIN " du cinéma narratif - elle est là, librement projetée comme un désœuvrement au cœur du sens :

Personnages: ils sont en position de personnage, et pourtant ce sont des points de singularité (...). La mort ici, loin de faire œuvre, a toujours déjà fait son œuvre : désœuvrement mortel. Par là, l'écriture selon le fragmentaire, ayant toujours lieu là où il y a lieu de mourir et donc presque comme après la mort perpétuelle, met en scène, sur un fond d'absence, des semblants de phrases, des restes de langage, des imitations de pensée, des simulations d'être. Mensonge que ne soutient aucun vrai, oubli qui ne suppose rien d'oublié et qui est détaché de toute mémoire : sans certitudes, jamais.(7)

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1 Slavoj Zizek, The Art of the Ridiculous Sublime : On David Lynch's Lost Highway, Seattle, The Walter Simpson Center for the Humanities, University of Washington, 2000, p.37.
2 Thierry Kuntzel " Le travail du film, 2 " in Communications, n° 23, Paris, éditions du Seuil, 1975, p.189.
3 Maurice Blanchot, L'entretien infini, Paris, éditions Gallimard, 1969, p.453.
4 Les remarques qui suivent constituent, à propos du projet romantique, une vue pour le moins " par le bout de la lorgnette ", elle ne tient évidemment pas compte des contradictions et de la complexité des différences entre chacun des auteurs, autant de précisions dont l'interprétation d'une telle période de l'histoire ne saurait s'affranchir. De plus, toute véritable tentative de conclure ne pourrait manquer de se rappeler la remarque de Schlegel à son frère : " je ne puis guère t'envoyer mon explication du mot Romantique, car elle fait... 125 pages ". Je me suis ici limité à ce qui était nécessaire à notre sujet. Pour plus de détails sur ces questions, voir L'absolu littéraire, Paris, éditions du Seuil, 1978.
5 Friedrich Schlegel, fragment 22, L'absolu littéraire, Paris, éditions du Seuil, 1978, p.101.
6 Theodor W. Adorno, Adorno à Benjamin, " lettre de Londres, 18 mars 1936 ", Correspondances Adorno-Benjamin 1928-1940, Paris, éditions La Fabrique, 2002, p.187.
7 Maurice Blanchot, Le pas au-delà, Paris, éditions Gallimard, 1973, p.74.


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