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CINÉMANUEL
par Jean-Pierre Rehm

" Le cinématographe est une invention sans avenir " auraient prophétisé les Lumière au moment de céder à bas prix leur brevet à Georges Méliès. Inutile d’insister sur ce qu’un tel verdict témoignait de cécité, tant le cinéma figure aujourd’hui au premier rang des pourvoyeurs de nos imaginaires, bénéfice à l’appui. Inutile ? Oui, si la magie est son mot d’ordre. Oui, si sous prétexte de dupliquer le mouvement et de se dérouler comme lui, le cinéma passe tout entier dans les contraintes du développement et obéit à l’extase de la surenchère. Là où il y avait une tête, gonfle une montgolfière, là où se tenait un coffre se dresse à sa place une beauté exotique, là où la lune était lointaine et désolée, voilà qu’y alunit une population avide d’aventures, etc. On aura reconnu bien sûr les motifs lancés par Méliès : la spéculation juteuse du cinéma qui, comme la plus médiocre voyante, fait commerce d’un devenir des images : ramenant leur promesse incertaine à un présent payé au détail et rubis sur ongle. Il ne s’agit pas, on s’en doute, de jeter la pierre à Méliès, ni de regretter un âge d’or gâché par les artifices de la littérature de gare, mais de rappeler plutôt qu’existe encore une alternative. Qu’on la trouve du côté de quelques rares cinéastes entêtés ou de ce qui se fabrique aujourd’hui chez de plus en plus d’artistes " usant " du cinéma ne change rien à l’affaire. Tous disent en clair : peut aussi se pratiquer un cinéma sans avenir – à savoir un cinéma qui tient l’avenir à distance, en respect, qui refuse d’assimiler le mouvement des images animées avec l’anticipation de leur aboutissement. Manière d’insister sur ceci : le cinéma ne reproduit pas la vie à l’identique, mais glisse au contraire dans chacune de ses images la latence extraordinaire d’un suspens, dont témoigne exemplairement la suggestive beauté des ralentis. À l’inverse de ce que l’étymologie laisse croire, le cinématographe n’est pas l’écriture du mouvement, il introduit la puissance glacée de l’écriture au sein du mouvement. Que du coup, incessamment, comme une infinie répétition de l’Entrée en gare, il arrête. (Et ce, quel que soit le nom pratique qu’emprunte, à l’intérieur de la technique cinématographique, une telle " écriture " : cadrage, montage, éclairage, direction d’acteur, etc. )
Or, c’est précisément cette écriture que Fabrice Reymond a choisi de mettre en lumière, pour en jouer comme d’un frein énergique. Frein dans son cas si appuyé qu’il préfère substituer au nom de film la proposition d’un " cinéma générique. " Cinéma de la genèse donc, d’une origine naïve ( " La radicalité : la naïveté. ", est-il écrit au hasard de ces notes qui défilent à la manière d’anciens cartons) ; mais aussi cinéma de la force d’un engendrement, laissé à son modeste potentiel de dissolution, ainsi que son intitulé ironique Nescafer l’atteste. C’est pourquoi, non sans affinité avec les Cinépoèmes de Pierre Alferi, ou par certains égards avec le Journal de Walden de Jonas Mekas, son projet Nescafer propose une suite inorganisée d’îlots faits indépendamment d’images, de sons et de textes. Qu’un ballon de plastique rose flottant sur l’eau s’y transforme, sous l’effet d’un zoom arrière, en lointain soleil couchant sur l’océan signale assez l’insularité délibérée et parodique de chaque proposition. Rien de caché derrière ces images, textes et sons ; rien non plus accroché à leur suite. Piètres accidents, modestes suggestions ou profondeurs dérisoires des aphorismes textuels, sonores ou visuels, ils n’engagent pas une " vision du monde ", mais nous invitent à accompagner du regard une lente acrobatie. Laquelle ? Celle qui, sur la " page écran ", tente, comme l’écrit Fabrice Reymond, de " maintenir l’équilibre instable" : " ne pas construire JUXTAPOSER ET, (virgule) ainsi a déjà commencé et n’est pas encore fini. No past, no future, et la vie continue ? "


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